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Partie 8 Tableaux Multidimensionnels
« Le vrai problème n’est
pas de savoir si les machines pensent, mais de savoir si les hommes
pensent » - B.F. Skinner
« La question de savoir
si un ordinateur peut penser n'est pas plus intéressante que celle de savoir
si un sous-marin peut nager » - Edgar W. Dijkstra
Ceci n’est pas un dérèglement de votre téléviseur. Nous contrôlons tout, nous
savons tout, et les phénomènes paranormaux que vous constatez sont dus au
fait que vous êtes passés dans… la quatrième dimension (musique
angoissante : « tintintin… »).
Oui, enfin bon, avant d’attaquer la quatrième, on va déjà se coltiner la deuxième.
Une seule ne
suffisait-elle pas déjà amplement à notre bonheur, me demanderez-vous ?
Certes, répondrai-je, mais vous allez voir qu’avec deux (et davantage
encore) c’est carrément le nirvana.
Prenons le cas de
la modélisation d’un jeu de dames, et du déplacement des pions sur le
damier. Je rappelle qu’un pion qui est sur une case blanche peut se déplacer
(pour simplifier) sur les quatre cases blanches adjacentes.
Avec les outils
que nous avons abordés jusque là, le plus simple serait évidemment de
modéliser le damier sous la forme d’un tableau. Chaque case est un
emplacement du tableau, qui contient par exemple 0 si elle est vide, et 1
s’il y a un pion. On attribue comme indices aux cases les numéros 1 à 8 pour
la première ligne, 9 à 16 pour la deuxième ligne, et ainsi de suite jusqu’à 64.
Arrivés à ce stade, les fines mouches du genre de Cyprien L. m'écriront pour
faire remarquer qu'un damier, cela possède 100 cases et non 64, et qu'entre
les damiers et les échiquiers, je me suis joyeusement emmêlé les pédales. A
ces fines mouches, je ferai une double réponse de prof :
Reprenons.
Un pion placé
dans la case numéro i, autrement dit la valeur 1 de Cases[i], peut bouger
vers les cases contiguës en diagonale. Cela va nous obliger à de petites
acrobaties intellectuelles : la case située juste au-dessus de la case
numéro i ayant comme indice i-8, les cases valables sont celles d’indice i-7
et i-9. De même, la case située juste en dessous ayant comme indice i+8, les
cases valables sont celles d’indice i+7 et i+9.
Bien sûr, on peut
fabriquer tout un programme comme cela, mais le moins qu’on puisse dire est
que cela ne facilite pas la clarté de l’algorithme.
Il serait évidemment plus simple de modéliser un damier par… un damier !
L’informatique
nous offre la possibilité de déclarer des tableaux dans lesquels les valeurs
ne sont pas repérées par une seule, mais par deux
coordonnées.
Un tel tableau se déclare ainsi :
Tableau Cases[7, 7] en Numérique
Cela veut dire :
réserve moi un espace de mémoire pour 8 x 8 entiers, et quand j’aurai besoin
de l’une de ces valeurs, je les repèrerai par deux indices (comme à la
bataille navale, ou Excel, la seule différence étant que pour les
coordonnées, on n’utilise pas de lettres, juste des chiffres).
Pour notre problème de dames, les choses vont sérieusement s’éclaircir. La case qui
contient le pion est dorénavant Cases[i, j]. Et les quatre cases disponibles
sont Cases[i-1, j-1], Cases[i-1, j+1], Cases[i+1, j-1] et Cases[i+1, j+1].
REMARQUE ESSENTIELLE :
Il n’y a aucune différence qualitative entre un tableau à deux dimensions [ i, j ] et un tableau à une dimension [ i * j ]. De même que le jeu de dames qu’on vient d’évoquer, tout problème qui peut être modélisé d’une manière peut aussi être modélisé de l’autre. Simplement, l’une ou l’autre de ces techniques correspond plus spontanément à tel ou tel problème, et facilite donc (ou complique, si on a choisi la mauvaise option) l’écriture et la lisibilité de l’algorithme.
Une autre remarque : une question classique à propos des tableaux à deux dimensions
est de savoir si le premier indice représente les lignes ou le deuxième les
colonnes, ou l’inverse. Je ne répondrai pas à cette question non parce que
j’ai décidé de bouder, mais parce qu’elle n’a aucun sens.
« Lignes » et « Colonnes » sont des concepts graphiques, visuels, qui s’appliquent à des
objets du monde réel ; les indices des tableaux ne sont que des coordonnées
logiques, pointant sur des adresses de mémoire vive. Si cela ne vous
convainc pas, pensez à un jeu de bataille navale classique : les lettres
doivent-elles désigner les lignes et les chiffres les colonnes ? Aucune
importance ! Chaque joueur peut même choisir une convention différente,
aucune importance ! L’essentiel est qu’une fois une convention choisie, un
joueur conserve la même tout au long de la partie, bien entendu.
Si vous avez
compris le principe des tableaux à deux dimensions, sur le fond, il n’y a
aucun problème à passer au maniement de tableaux à trois, quatre, ou
pourquoi pas neuf dimensions. C’est exactement la même chose. Si je déclare
un tableau Titi[2, 4, 3, 3], il s’agit d’un espace mémoire contenant 3 x 5 x
4 x 4 = 240 valeurs. Chaque valeur y est repérée par quatre coordonnées.
Le principal
obstacle au maniement systématique de ces tableaux à plus de trois
dimensions est que le programmeur, quand il conçoit son algorithme, aime
bien faire des petits gribouillis, des dessins immondes, imaginer les
boucles dans sa tête, etc. Or, autant il est facile d’imaginer concrètement
un tableau à une dimension, autant cela reste faisable pour deux dimensions,
autant cela devient l’apanage d’une minorité privilégiée pour les tableaux à
trois dimensions (je n’en fais malheureusement pas partie) et hors de portée
de tout mortel au-delà. C’est comme ça, l’esprit humain a du mal à se
représenter les choses dans l’espace, et crie grâce dès qu’il saute dans
l’hyperespace (oui, c’est comme ça que ça s’appelle au delà de trois
dimensions).
Donc, pour des
raisons uniquement pratiques, les tableaux à plus de trois dimensions sont
rarement utilisés par des programmeurs non matheux (car les matheux, de par
leur formation, ont une fâcheuse propension à manier des espaces à n
dimensions comme qui rigole, mais ce sont bien les seuls, et laissons les
dans leur coin, c’est pas des gens comme nous).
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